Fait beau, dernier jour avec ces stagiaires...
Envie de leur faire plaisir, d'aller où il y a personne, des traces à faire: le top. Trouver la neige immaculée: c'est être considéré comme un prophète; ce qui ne peut qu'être un tant soit peu grisant, même sans posséder un orgueil hypertrophié.
Après une belle trace dans la poudre: on est dans les premiers sur le glacier à la sortie de la benne des "Grands" ( Montets; secteur emblématique du ski hors piste mondial), il va falloir choisir le col où monter en ski de randonnée pour faire le programme prévu.
On met les peaux sous les skis, on attaque à remonter le glacier en faux plat d'Argentière, passant en revue les emblématiques faces nord. Il est tombé pas mal de neige, il y a eu du vent. Nous sommes les premiers. J'hésite entre un col présentant des pentes assez raides où je suis aller la semaine dernière et un col moins raide dont je n'ai pas repéré l'accès aux premières pentes du glacier. Après une bonne dizaine de minutes à observer tout en avançant, je décide de choisir de limiter le risque d'avalanche et de m'orienter vers le moins raide. Même si cette année je n'y suis pas allé, je connais bien cette randonnée et je me débrouillerai bien pour passer la moraine. Au dessus c'est tout blanc, cela sera fabuleux tout en restant sûr! J'ai pris une bonne décision. Je n'arrive pas à voir si cela passe directement par le glacier aussi je prend le chemin du refuge que je connais bien, on pourra put être manger sur la terrasse...Les stagiaires sont motivés: ils avancent bien et c'est bien trop tôt que nous passons devant la terrasse...Nous continuons sur la moraine toute blanche mais où finalement il y a peu de neige. Juste une illusion car le vent à tout lissé, comme si un plâtrier était venu avec de l'enduit fin... S'ensuivent quelques conversions pénibles mais finalement nous arrivons à prendre pied sur le glacier et mangeons juste sur le bord. Grand beau, belle neige. Le glacier est quand à lui bien blanc mais des ilôts de glace verdâtres apparaissent maintenant clairement. Le vent à râper toute une partie du glacier et la neige est posée sur la glace en une mince pellicule. Le cheminement à ski, surtout à la descente va demander de bien choisir l'itinéraire et de bien cadrer le groupe déjà excité par les traces à faire et les inévitables vidéos à partager avec le monde entier!
Le glacier parait bien bouché car uniformément blanc, mais le regard verdâtre de la glace qui affleure parfois ne m'inspire pas et je décide de remonter sur le bord du glacier, très proche de la rive.Après quelques conversions dans des pentes modérés, je repère une vieille trace qui a été révélée par le vent. Elle tombe bien car elle traverse le glacier à un endroit très plat qui évite finalement un gros détour. Les stagiaires commencent pour certains à traîner un peu, cela sera mieux pour eux, et pour moi: win/ win: Plus vite en haut, plus vite en bas; j'ai aussi des trucs à faire ensuite.
Une conversion de plus en discutant avec Gustav quelques mêtres derrière moi.
Les bâtons sous les aisselles, je gaine et suis pendu comme sur une barre fixe. Les stagiaires me regardent, enfin les premiers car les autres ne voient rien. J'ai les pieds dans le vide. Bien emmerdé avec tout ce fourbi sur le dos pour me remuer et me rétablir. Gustav veutm'aider. Moi ca va. Je suis pas mal. Faut juste se rétablir sur le bord du trou sans perdre les skis. Enlever un ski. C'est alors que je vois que c'est noir. Etroite mais profonde cette crevasse. Ce noir m'émeut quelques secondes avant que je m'organise pour déchausser un ski, puis l'autre et enfin me rétablir sur le bord du trou, non sans avoir jeter un dernier coup d'oeil au noir blafard, car issu du bleu translucide de la glace. Un noir froid, inerte, qui encore me fait froid dans le dos. Une scène d'une minute dans un théâtre grandiose qui est une parfaite illustration de la précarité de nos traces. D'ailleurs des traces ont en a fait des belles ensuite. Monté au col encordé, nous avons peints de belles arabesques sur la poudre immaculée. Elles sont bien sûr déjà effacée par le vent mais bien présente dans nos mémoires; comme le noir blafard, le noir issu du souffle glacé des entrailles du glacier.
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