Le parking est plein de jeunes collégiens de 3ieme d'un canton du fin fond du Cantal.
Les Chemins Noirs de Tesson, cela évoque quelque chose pour vous? Et bien sur ces fameux chemins, tout au moins à proximité, il y a des gens, des hommes qui vivent et qui, pour beaucoup comme ces chemins s'abandonnent et se laissent enfermer sur eux même. Le monde rapide et mobile qui se répand le long des autoroutes et du TGV, artère vitale de notre pays irrigue de fantasme ce réseau de capillaire qui se nécrosent malgré quelques vélléités de renouvellement par le télétravail et l'importation de migrant , sous le manteau hein les migrants...
Ils ont l'assurance que donne le groupe, surtout les garçons qui parlent fort. Les musulmans, inexistant ou alors plus que discrets car pas trop idiots ont les oreilles qui sifflent! Ils parlent fort mais n'ose regarder le rocher qui se dresse au dessus du lac. Ces rochers ne sont pas dans leur réalités. Ils existent comme des bornes aux confins, balises d'un univers de champs, patures et forêt.
Les horizons sont le foot, pas simplement le football de leur patelin mais le foot et tout ce qui dégouline des médias mainstream à commencer par la TV, qui dans ces replis de la France, trône toujours dans le salon, en taille xxl. Toujours allumée, fenêtre ouverte sur un monde inquiétant, plein de dangers étranges et étrangers, fournisseur de rêves et d'horizons impossibles: un monde bling bling et artificiel, où les milliardaires crame en 1 seconde ce qu'ils peinent a dépenser en 1 siècle. Un monde où finalement la différence entre les puissants et les misérables n'est pas si éloignées de l'amplitude qui existait entre les maîtres et les esclaves d'antan. Car la liberté c'est bien mais quand l'espoir et la confiance s'éteignent, surgissent l'abrutissement, la vulgarité et finalement la misère à tous les niveaux: la liberté n'existe pas. Car c'est un effort la liberté;
Ils ont les pieds dans la boue, vibrent au son du calibre 12 et les Massey Ferguson les font toujours s'extasier. Ils tremblent face au rocher qui se dresse au dessus des pâtures. pas très haut quand même, mais ce rocher représente la mainmise de la cité sur leur univers. Le regards des pratiquants de sports nature, issus majoritairement des métropoles est bien différent de celui des ruraux, des locaux qui se sentent dépossédés de leur territoires intimes et, double peine, arrièré, idiots. Ils perdent confiance, la peur terrible s'installe; la peur qui génère les pires sentiments, les pires idées :" Tu verras ce que je leur ferais moi aux mulsumans!"
En creusant un peu dans leur culture, dans leur savoir transmis par leur pairs, par la tradition, par les usages, par la façon de faire, ils connaissent beaucoup mais cette richesse est enfouie, insoupçonnée, perdue.
Le guide distribue les baudriers, ils le prennent , le regard fuyant, quelques ricanements fusent mais se perçoit un léger malaise pour ces balèzes. Quelques références à Ko Lanta ou a un blockbuster hollywoodien semblent incontournables. En effet les écrans s'emparent ces dernières années comme la pub d'ailleurs, de l'univers de la montagne et de la grimpe, en passe d'être aspiré par la consommation de masse!
Le guide lui vient de la ville, il est né au coeur du bitume, est passé souvent par les universités et s'est décalé vers les ravins et les falaises en quête d'un mode de vie alternatif, bercé par le mythe du Yosémite et des 2 Patrick. Ces zones qui n'étaient pas nommée par les paysans; ces non lieux peu à peu sont devenu des spots, désirables.
La devant eux, ce rocher parmi les rocher est Le rocher de la Via ferrata. Il va falloir monté par les barreau pour voir la nature, pour avoir des sensations quel intérêt?, des émotions soit disant... Et c'est dangereux!
"Le tracteur dans les champs en pente c'est dangereux aussi "pourraient ils dire. Combien de morts au champ (fauché) d'honneur sous leurs tracteurs écrasés? Et ce câble qui tient 15 tonnes: ca peut pas péter affirme le bon sens paysans. Mais non ils semblent étranger, au milieu des prés, a ce qu'ils vont faire!. Tout les encombres et surtout leurs grands corps adolescents et ce matériel qu'il n'arrivent pas a nommer ni a enfiler ni a manipuler Combien de journées passées dans leur enfance à crapahutter dans les "tertres" sans matériels? Et là un embarras palpable, une gène, une incapacité à s'adapter, un blocage et une peur surgie du tréfond, la peur de pas y arriver qui empêche la nouveauté d'arriver.
Le guide lui est chez lui dans ces rochers, sur ces spots où il gagne sa croute en vendant du rêve ou encore plus (ser) vilement, soumis à la mac-donalisaton générale du monde, vendant des activités plus ou moins aseptisées avec le risque sans le risque.
Peu à peu il se rapproche de la matière brute et s'éloigne des câbles et autres aménagements ( sur-amenagement). Les années passées à arpenter les pentes de toute nature ont déplacé le curseur et le coté technique laisse la place au regard plus animal du cheminement. Les rochers lui parlent peu à peu, tous comme les sentes. Nait un jour un lien intime avec elles: les plantes, les petites bêtes, les plus grosses, les courants d'air...le petit ruissellement. A force d'être là, il devient peu à peu la roche, la plante ...Le citadin qu'il fut s'enracine presque à son insu dans les détails, une sensibilité se faufile dans ses regards. Le citadin au contact de la nature affute son regard façon paysan.
"Monsieur, je veux pas y aller, je vais pas y arriver...à grimper par les rochers!"
Les mains déjà forgées par les travaux des champs sont crispées sur les mousquetons, le regards fuyant sous le front bas renonce déjà.
Le groupe est au pied du panneau de la via. Devant eux , un groupe de jeunes collégiens également, clients d'une célèbre marque jadis connoté "la montagne pour tous". A voir leur tenue il semblent que cela soit désormais les vacances pour jeunes CSP + des métropoles. Ces derniers, sans aptitudes particulières, ont tous déjà fait, déjà vu, déjà expérimenté non pas à la via férrata mais à la NOUVEAUTE. Ils s'élèvent avec une certaine bonne humeur.
Ne plus être parti prenante, regarder le train passer sans savoir comment y monter, sans aussi comprendre pourquoi y monter...Englué dans les contradictions de l'agri bashing et ne plus trouver au fond sa place, même sur leur propre terre.